Bombardement du pont ferroviaire de Sartrouville/Maisons-Laffitte
Contexte
La ligne ferroviaire reliant Paris à la Normandie
avait une importance stratégique évidente pour la
logistique allemande dans la perspective du
débarquement du 6 juin 1944. Cette voie ferrée
traverse la Seine sur un pont reliant
Maisons-Laffitte sur la rive gauche à Sartrouville
sur la rive droite. Ce pont était naturellement une cible de
premier choix lors de l'intense campagne de
bombardement qui a précédé le débarquement allié.
Le pont étant situé en pleine zone urbaine, la
résistance s'inquiétait du risque de pertes collatérales
civiles. Selon
Bernard Morinais, un jeune résistant qui a eu 20
ans le 6 juin 1944, la résistance locale a contacté
Londres pour proposer aux alliés de détruire le pont.
Les alliés ont décliné l'offre craignant que les
représailles sur la population civile
entraineraient plus de morts qu'un bombardement
allié.
Un premier bombardement a eu lieu le samedi 27 mai
1944 vers 14.00. Le pont n'a pas été détruit et
plusieurs bombes sont tombées sur la ville tuant
environ 200 personnes. Un second raid aérien a eu
lieu le lendemain 28 mai vers 10.00. Le pont n'étant
toujours pas détruit, sept raids supplémentaires se
sont succédés le même jour. La population a donc dû subir
un total de 9 raids aériens sur une période de 30
heures...
(Source:
Bernard Morinais)
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Le pont était finalement suffisamment endommagé pour
interdire toute circulation et les allemands ont
débuté les travaux de réparation le mardi 30 mai
1944, utilisant des prisonniers russes. L'armée
allemande a par ailleurs déployé quelques batteries de
DCA supplémentaires pour renforcer la défense du pont.
(Source:
Bernard Morinais)
Le bombardement du 24 juin 1944
Quatre semaines plus tard, le pont était reconstruit
et la résistance a informé les alliés que le pont
allait être testé en faisant passer un train chargé
le 24 juin 1944 à 19.00. Les alliés ont donc décidé
de bombarder le pont précisément à 19.00 dans
l'espoir de détruire à la fois le pont et le
train...
(Source:
Bernard Morinais)
La mission a été confiée au 397th BG basé à
Rivenhall en Angleterre.
Dans la soirée précédant le bombardement, le
copilote Ossian Seipel a appris qu'il devait prendre
part à un raid aérien sur la région parisienne et a eu
l'étrange prémonition qu'il n'en reviendrait pas. Il
en était tellement convaincu qu'il a brulé ses
lettres et distribué une partie de ses effets
personnels à ses camarades de chambrée.
(Source:
Les mémoires de Seipel) Le pilote Freal Knox a par la suite raconté à son fils que lui
aussi avait eu une mauvaise prémonition après le
briefing. La cible avait déjà été bombardée à
plusieurs reprises ce qui avait représenté autant de
"séances d'entrainement" pour l'artillerie anti-aérienne
allemande. Le raid du 24 juin allait suivre le même
angle d'attaque que les bombardements du 27 et du 28
mai et les artilleurs allemands sauraient
précisément comment aligner leurs tirs. Il se
doutait aussi que les allemands avaient rajouté
quelques batteries de DCA.
Le 24 juin à 17.18, 39 bombardiers B-26 ont décollé
de Rivenhall. Trente-six bombardiers étaient chargés
de deux bombes de 2000 livres (près d'une tonne).
Trois autres bombardiers sont arrivés sur la cible
avec quelques minutes d'avance et ont lâché de la
paille d'aluminium pour saturer les radars
allemands.
(Source:
Récit de Richard Haymond)
Peu avant 19.00, trois résistants portant des
uniformes de cheminot, chacun une pelle sur l'épaule
se sont dirigé tranquillement vers une batterie de
DCA et ont neutralisé à coup de pelles les deux
allemands qui s'y trouvaient.
(Source:
Bernard Morinais)
Le ciel était clair et sans le moindre nuage. En
arrivant sur la cible, les aviateurs pouvaient
facilement voir les petits nuages noirs laissés par
l'explosion des projectiles de la DCA allemande. Le
bombardier No
42-96127 a été touché par la DCA et s'est
immédiatement écrasé avenue de la Fontaine à
Maisons-Laffitte tuant les 6 aviateurs. Ces 6
hommes ont payé le prix fort pour notre liberté et
nous devons nous en souvenir:
S/Sgt James M Crawford, matricule: 37506385
S/Sgt Scott E. Hoover, matricule: 33291544
2Lt Edward M Lindquist, matricule: O-746663
2Lt Samuel C Neill, matricule: O-687700
2Lt Olivier A. Price, matricule: O-816574
S/Sgt Harold G Vorhees, matricule: 13011177
Les 35 bombardiers restant ont largué leurs bombes
depuis une altitude de 2700 mètres. Un total de 70
bombes se sont abattues sur le pont sur un laps de
temps très court... Le pont a été touché trois fois
interrompant provisoirement la circulation des
trains. Celle-ci devait toutefois reprendre le
lendemain, dimanche 25 juin (Source:
lettre du maire de Maisons Laffitte)
Deux bombardiers s'écrasent en région parisienne
Deux autres bombardiers
B-26 Marauder ont été touchés par la flak pendant le
largage des bombes: les bombardiers No
42-96120 et
42-96121.
Ces deux avions ont été observés en feu par des
civils français lors de leur passage au-dessus
d'Aubergenville à 22 km à l'ouest de la cible.
Le bombardier No 42-96120 (appelé "Mama
Liz") s'est écrasé à Goupillères près de Flexanville.
Le pilote Moses J. Gatewood a donné l'ordre
à son équipage de sauter peu avant le crash.
Pendant sa descente le copilote
Richard Haymond a constaté que les
allemands leur tiraient dessus. Ils ont été
fait prisonniers peu après avoir touché le
sol: 1Lt Walter Delmont Blatchford
(O-743752), 1Lt Richard Haymond (O-812258), S/Sgt Lee
Hughes (36382232), William Thomas O’Brien
(6148980) et William James Snyder
(32384117)
Le pilote Moses Gatewood a quitté l'avion
par la trappe des roues avant et atterri dans
un verger de pommiers. Il a sauté à très
basse altitude; sa descente a donc été très
courte et la topographie de l'endroit lui a
permis de ne pas se faire remarquer des
allemands. Avec l'aide de la résistance il a
pu atteindre l'Espagne et ensuite rejoindre
Londres le 17 août. L'histoire de sa fuite
vers l'Espagne est passionnante. Aidé par un
résistant alsacien qui avait infiltré la
Gestapo, il a parcouru plusieurs centaines
de kilomètres sous escorte de l'armée
allemande et a dormi dans des hôtels
allemands. Vous trouverez les
détails de l'histoire ici.
Remarque
importante: L'équipage du capitaine Moses
Gatewood embarquait habituellement sur le "Holy
Moses". Toutefois ce jour-là, cet
équipage se trouvait à bord du "Mama
Liz".
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Debout de gauche à droite: Pilote - Moses J. Gatewood, Radio/Mitrailleur
- William T. O'Brien, Bombardier/Navigateur - Walter D. Blatchford,
Copilote - Richard Haymond, Ingénieur/Mitrailleur
- William J. Snyder, Armurier, mitrailleur - Eldon
Lee Hughes. Accroupi de gauche à droite:
Chef d'équipage- John Kilmen, Assistant chef
d'équipage -Virgle
C. Gilbertson - Photo de la
collection de
William T. O'Brien via Sally
Root/Brian Gibbons |
L'avion No
42-96121 s'est écrasé à Arnouville-lès-Mantes.
James Weldon Mellody
est le premier à avoir sauté. Il a atterri
dans un arbre près de la gare d'Elisabethville-Aubergenville.
L'arbre a immédiatement été cerné par 6
soldats allemands et une foule de civil
français enthousiastes qui lui ont offert un
verre de vin et l'ont suivi
alors qu'il était emmené par les allemands.
Vous trouverez les
détails de l'histoire ici.
Ossian
Arthur Seipel a sauté quelques secondes
plus tard et a atterri dans champ à
l'intersection entre la N13 et la voie ferrée
allant en direction de Versailles. Il a été
immédiatement arrêté par les SS et emmené en
camion à la caserne allemande du château
d'Elisabethville pour y être interrogé.
Ossian Seipel raconte dans
ses mémoires qu'un
français lui a fait le V de la victoire. Les
camions se sont arrêtés et les SS l'ont
embarqué. Il pourrait s'agir d'Edouard
Jumantier mort en déportation en mars
1945.
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Le Sgt James Mellody salué par
Robert Mourand peu après son arrestation par
la Wehrmacht. Découvrez le bilan de la
recherche historique qui a amené à
l'identification du prisonnier américain |
William E. Giffhorn
a probablement sauté presque en même temps qu'Ossian
Seipel. Toutefois, il a ouvert son parachute
plus tôt et pendant qu'il observait Seipel
atterrissant dans un champ, Giffhorn était
poussé par le vent vers une zone boisée près
d'Elisabethville. Il a été aidé par un couple
français (Lucienne Laprêté et Nestor Lambin) qui l'ont caché pour la
nuit dans leur porcherie. Lorsque les
allemands sont venus, Lucienne leur a dit
avoir vu un aviateur atterrir un peu plus
loin. Repoussé par l'odeur des cochons, les
allemands se sont empressés de partir dans la
direction indiquée par Lucienne (Source:
Marianne Heloin Vanura). Giffhorn
a par la suite été caché à
Arnouville-lès-Mantes jusqu'à la libération
par Mr Paufique, chef de la résistance. (Source:
Le
rapport d'évasion de William Giffhorn)
Jerome Ornstein
(orthographié Orenstein sur certains documents)
a sauté quelques secondes après
William Giffhorn et Odette se souvient l'avoir vu
atterrir dans son jardin à Epône. Les allemands ont
traversé sa maison sans ménagement afin d'accéder à
son jardin et ont immédiatement arrêté Jérôme Ornstein. Il a été emmené à la caserne
d'Elisabethville.
L'endroit où a atterri
Norman Charles Edwards n'est pas connu avec
certitude mais il est probable que ce soit quelque
part entre Epône et Goussonville.
William F.
Koenig a atterri dans un champ entre Goussonville
et Boinville-en-Mantois. Il a passé deux jours et
deux nuits caché dans les bois et a ensuite été
caché jusqu'à la libération par la famille Betton. (Source:
Le
rapport d'évasion de William F. Koenig)
Le pilote Freal Knox a raconté à son fils qu'après
que tout le monde ait sauté, il a tourné les
ailerons de manière à ce que l'avion parte en piqué
et s'écrase délibérément dans un champ. La manœuvre avait deux
objectifs: 1) réduire le risque de perte civile en
évitant que l'avion s'écrase de manière aléatoire
dans une zone urbanisée. 2) Détruire un instrument
de visée appelé
“Norden bombsight” qui se trouvait dans le nez en
plexiglas de l'avion. Le “Norden bombsight” était
une invention américaine très en avance sur son
équivalent allemand et les alliés voulaient que tout
soit fait pour éviter qu'un exemplaire ne tombe
entre les mains des allemands. |
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Odette se souvenant de
Jerome Ornstein atterrissant en parachute
dans son jardin le 24 juin 1944 -
© Seconde-Guerre-Mondiale.com |
Freal Knox a sauté pendant que l'avion tombait en
piqué et a atterri après une courte descente à
quelques centaines de mètres du point d'impact de
l'avion. Il a été immédiatement arrêté par les
allemands et emmené jusqu'à la garnison allemande
d'Elisabethville où il a retrouvé son copilote
Ossian Seipel et son photographe Jerome Ornstein. Le jour suivant, les allemands
l'ont ramené en camion sur le lieu du crash et lui
ont posé des questions sur le B-26. Il a prétendu ne
rien savoir et n'avoir aucun lien avec cet avion. Il a
par la suite été emmené par le train en Allemagne et
a été détenu au Stalag Luft III.
Un autre B-26 s'écrase à Glanville dans le Calvados
Le bombardier No
42-96177 s'est écrasé à Glanville dans le Calvados
en zone occupée à quelques kilomètres des lignes
alliées. Les six aviateurs ont sauté de l'avion.
Bien que les allemands leur aient tiré dessus
pendant leur descente, personne n'a été tué. Le pilote
Kenneth H.
Powers,
Willis H Hudson
et
Leo R Orifici
ont réussi à s'échapper. Ils ont été cachés par la
résistance jusqu'à l'arrivée des troupes alliées.
Les autres aviateurs ont été arrêtés par les allemands
et ont passé le reste de la guerre dans des stalags
allemands:
1Lt Merril R Gassert (O-744013)
S/Sgt James Harvey Heywood (19099422)
2Lt Paul Warren Mikesell (O-812290)
Deux B-26 perdus en territoire contrôlé par les
alliés?
Selon certaines sources, les bombardiers No
42-96133 et
42-96161 ont été perdu en territoire sous contrôle
allié.
Il semblerait toutefois que la réalité ne soit pas si
dramatique.
D'après Brian Gibbons (historien du 397th BG),
le bombardier No 42-96133 s'est écrasé à
l'atterrissage sur sa base de Rivenhall et a par la
suite pu être réparé et reprendre le service. Le bombardier No 42-96161 a
atterri en urgence en Angleterre suite à une panne
de moteur et a pu lui aussi être réparé.
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B-26B-55-MA, No
42-96133, code 9F*X nommé“Hit ‘N’
Duck” - Photo from Tim Coleman
collection, of Arthur Coyne, (KIA on the
23rd December 1944), via Mr Brian Gibbons,
397th historian. |
|
B-26B-55-MA, No
42-96161, coded U2*M named “Patty Kay” -
Photo from Tim Coleman collection, of Arthur
Coyne, (KIA on the 23rd December 1944), via
Mr Brian Gibbons, 397th historian. |
Lettre du
maire de Maisons Laffitte
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